Nouvelle résolution de l’UE contre le Maroc : frustrations et machinations françaises

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Samir Bennis
Conseiller politique à Washington D.C., rédacteur en chef de Morocco World News.

Nouvelle résolution de l’UE contre le Maroc : frustrations et machinations françaises
L’adoption par le Parlement européen la semaine dernière d’une résolution sur les droits de l’homme au Maroc a eu l’effet d’une douche froide chez un grand nombre d’observateurs et commentateurs marocains. Le moins qu’on puisse dire est que cette résolution a eu, peut-être malgré elle, le mérite de finalement mettre les observateurs marocains devant l’évidence de la duplicité de l’Europe. Et c’est d’ailleurs pourquoi, dans leurs réponses à cette résolution, beaucoup ont fustigé la politique du deux poids deux mesures de l’Europe, son cynisme et son acharnement contre un pays dont le seul tort et d’adopter une politique étrangère indépendante et d’exiger de ses partenaires européens de le traiter avec respect et loyauté.

Car, oui, un grand nombre d’observateurs marocains des relations Maroc-UE ont eu du mal à s’expliquer comment le Parlement européen – qui ne s’était jamais auparavant aventuré sur un terrain aussi glissant – a pu cibler le Maroc et passer sous silence les violations massives de droits de l’homme en Algérie, en Tunisie et en Libye.

Sans parler des violations éhontées des droits de l’homme en France où un imam né dans ce pays vient d’être expulsé vers le Maroc et séparé de ses enfants et petits-enfants. Ni des incessantes exactions commises contre les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme dans bon nombre des pays membres de l’UE. De cette litanie de violations et d’exactions sur lesquelles ce parlement a fermé yeux et bouche, d’aucuns se rappelleront le cas du Danemark qui a, en 2016, adopté une loi donnant aux services de sécurité le pouvoir de dépouiller les réfugiés syriens de leurs bijoux pour financer le coût de leur séjour dans ce qu’ils espéraient être un pays d’accueil, un havre de paix.

Un règlement de comptes pour discipliner le Maroc

Le ton de la résolution et son caractère fourre-tout montrent bien que le but ultime de ceux qui l’ont promue n’est nullement de promouvoir les droits de l’homme au Maroc, mais plutôt d’adresser un message politique à un pays qui, de plus en plus, ose hausser le ton, y compris contre des nations européennes qui ont longtemps baigné dans le complexe de supériorité, quand il est question de préserver ses intérêts suprêmes.

Et à analyser le contexte politique dans lequel cette résolution a été adoptée, l’on ne peut que tirer la conclusion d’une main invisible française dans ce dossier. Diplomatiquement surclassée et surprise en Afrique francophone par un Maroc qui, en plus d’être un leader régional incontesté, s’éloigne désormais de Paris pour diversifier sa base de partenaires stratégiques, la France est le seul poids lourd de l’UE qui a encore des comptes à régler avec Rabat.

L’Allemagne et l’Espagne, deux autres poids lourds de ce bloc continental, ont très récemment assaini leurs relations diplomatiques avec le Maroc et n’ont aucun intérêt à faire adopter une résolution qui risque de défaire toutes les avancées qu’elles ont réalisées dans leurs relations avec Rabat depuis qu’elles ont clarifié leurs positions respectives sur la question du Sahara. La France, quant à elle, se mure encore dans sa politique d’apaisement de l’Algérie qui la contraint à rester vague et ambiguë sur le dossier du Sahara.

Comme j’avais dit dans nombre d’analyses publiées récemment, la France voit d’un mauvais œil que le Maroc veuille formuler une politique étrangère indépendante et se forger une place de choix sur l’échiquier régional et international.

Il s’agit là, comme le suggère le titre très évocateur du livre d’Antoine Glaser sur les échecs successifs de la diplomatie française en Afrique, d’une France imbue d’elle-même et longtemps biberonnée à l’idée que le Maroc, son ancien protectorat, ne saurait prétendre jouer un autre rôle de premier plan. Dans l’imaginaire néocolonial de la classe dirigeante française, il est inconcevable que Paris traite d’égal à égal avec Rabat.

C’est pour cela que l’élite politico-économique et médiatique française n’a eu de cesse de multiplier les coups bas à l’encontre du Maroc. L’affaire Pegasus, les restrictions des visas, ou même l’utilisation du Parlement européen pour faire chanter le Maroc, ne sont donc que quelques-unes seulement des récentes machinations françaises pour faire plier le Maroc qui ose désormais monter sur le créneau pour fixer quelques termes de ses relations avec ceux qui prétendent être ses alliés ou amis. En se prévalant de son influence au sein du parlement européen pour mettre le Maroc sous pression et nuire à son image, le but de Paris est de rappeler Rabat à l’ordre. Donc une façon d’afficher la force de frappe française en termes de sabotage et de campagne d’intoxication médiatique si le Maroc continue à défier la France.

Nous autres marocains, devrions prendre note et agir en conséquence. Citoyens lambda, responsables politiques, hommes d’affaires, journalistes, intellectuels – toutes les composantes de la nation marocaine devaient prendre conscience du danger que représente la France pour notre pays. Il est question d’être conscients que le Maroc traverse une période charnière de son histoire, laquelle pourrait définir la place que le royaume serait appelé à occuper sur la scène régionale et internationale.

La réussite du pays dans cette tâche colossale dépendra de la mobilisation de toutes les forces vives nationales et leur prise de conscience quant aux dangers qui guettent les intérêts supérieurs du Maroc. Parmi ces dangers figure la fourberie de certains pays qui, du haut de leur nostalgie de cette époque ou le Maroc était contraint de se plier à leurs diktats, considèrent toujours notre pays comme leur pré-carré, un Etat satellite.

Une longue histoire de fourberie française au Maroc

Tous les Marocains devraient se rendre à l’évidence que presque tous les problèmes géopolitiques – donc économiques – auxquels notre pays a été confronté depuis plus d’un siècle ont été causés par la France.

C’est la France qui a fait des mains et pieds pendant le dernier quart du 19eme siècle pour faire perpétuer le système de la protection étrangère accordée aux Marocains qui coopéraient avec les négociants européens. Grâce au soutien de l’Italie, la France a réussi à faire avorter la Conférence de Madrid de 1880 dont l’objectif initial était de réformer le système de protection qui avait fait l’objet de beaucoup d’abus de la part des négociants et consuls français.

Les historiens sont unanimes sur le fait que l’expansion de ce système de protection est l’une des causes principales de l’effondrement progressif et inéluctable de l’Etat marocain. C’est cette même France, admirée et adulée par beaucoup de Marocains – qui semblent savoir très peu de l’histoire de leur pays – qui a accordé sa protection au chérif d’Ouezzane en 1884 afin de créer un contrepoids à la légitimité religieuse du Sultan Hassan 1er.

C’est encore la France qui, en pleine crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne en 1893 à la suite d’escarmouches militaires sur la frontière entre Nador et Melilla, a sommé le Maroc d’accepter les conditions stipulées par l’Espagne pour éviter la guerre. Jouissant du soutien de la Grande Bretagne, le Sultan Hassan 1er s’est montré ferme et a refusé de se laisser intimider par l’Espagne, laquelle était sous pression des autres puissances européennes pour parvenir à une solution diplomatique.

Hassan 1er était finalement dans l’obligation de se soumettre aux diktats de l’Espagne après avoir reçu une note diplomatique du gouvernement français dans laquelle celui-ci le mettait en garde contre tout refus d’obtempérer. Cette lettre conclut sèchement que la France se rangerait du côté espagnol au cas où une guerre éclatait entre les deux pays. Par conséquent, le Maroc dut payer à l’Espagne une indemnité qui s’élevait à 20 millions de pesetas. Cette somme s’ajoutait aux 400 millions de duros que le Maroc devait payer à l’Espagne comme indemnité de la guerre de Tétouan.

Pour payer cet argent, le Maroc était forcé de s’endetter et d’augmenter les impôts sur une population qui ne pouvait déjà faire face aux impôts qui lui étaient imposés depuis la fin de la guerre de Tétouan.

C’est aussi la France, qui après avoir imposé au Maroc le protectorat dans des conditions qui n’ont jamais été élucidées, a cherché à violer les dispositions du traité de protectorat et essayé de transformer le pays en une colonie sous administration directe de la métropole, à l’image de l’Algérie française. Lorsque les nationalistes marocains et feu le Roi Mohammed V se sont alliés pour revendiquer, dans un premier temps, le strict respect du traité de 1912, puis l’indépendance du pays à partir de 1947, l’Etat et les médias français n’ont ménagé aucun effort pour attaquer le prestige religieux et politique du Roi et réprimer la résistance marocaine.

Les Marocains devraient se réapproprier leur histoire, l’assumer et la purger de tous les mythes ou idées reçues qui les empêchent encore de bien cerner les tenants et les aboutissants de certains faits historiques qui ont laissé des traces indélébiles sur le devenir du pays.

Sur la question du conflit du Sahara, par exemple, il est temps que les Marocains commencent à hausser le ton et exiger de la France de s’excuser pour la mutilation géographique et le tort géopolitique qu’il a causés à leur pays. La France devrait aussi s’excuser pour les tueries qu’elle a perpétrées contre les résistants marocains tout au long du protectorat. La France porte toute la responsabilité de la création de ce conflit et il lui appartient de corriger cette injustice historique infligée au Maroc. C’est la France qui a manigancé les accords d’avril 1904 avec la Grande Bretagne et d’octobre 1904 avec l’Espagne. Sans les concessions que Théophile Delcassé, ministre des affaires étrangères de la France de l’époque (1898-1905) avait faites à l’Espagne, celle-ci n’aurait jamais pu revendiquer des droits de souveraineté sur le Sahara, qui était alors reconnu mondialement comme étant marocain. C’est Delcassé qui a utilisé le Maroc comme monnaie d’échange afin de s’allier avec le Grande Bretagne et, ainsi, isoler l’Allemagne, pays auquel il vouait une haine viscérale.

Paris doit assumer son rôle dans le conflit du Sahara

Sur cette question du Sahara que les adversaires du Maroc sont prompts à brandir pour ternir l’image de notre pays, la France ne devrait donc plus se contenter d’adopter une position politique ambiguë qui lui permet d’éviter toute embrouille diplomatique avec l’Algérie, la seule partie prenante de ce conflit du Sahara, dont le soutien financier et logistique aux séparatistes du Front Polisario a pour objectif principal de frustrer les ambitions régionales du Maroc.

La France devrait assumer son rôle historique dans la création de ce conflit et œuvrer de bonne foi avec le Maroc pour y mettre fin. Continuer à se retrancher derrière le processus onusien ne contribuera ni à clore ce chapitre ni à sauvegarder les intérêts français au Maroc. Par conséquent, Maroc devrait fermer toute possibilité à une visite d’Emmanuel Macron jusqu’à ce que celui-ci clarifie la position de son pays sur la question du Sahara. Sans reconnaissance pure et simple de la souveraineté marocaine sur le Sahara, Macron ne devrait pas mettre ses pieds au Maroc. En tout état de cause, la classe politique, économique et médiatique française ferait mieux de s’habituer à l’idée que le Maroc d’aujourd’hui n’est pas le Maroc d’il y a deux ou trois décennies, que Rabat est déterminé à jouer le rôle qui lui sied sur l’échiquier régional et international.

Paris a donc intérêt à apprendre à traiter d’égal à égal avec le Maroc. Par-dessus tout, il faut que l’élite française comprenne qu’elle a affaire à un pays de plus en plus sûr de lui-même et dont la nouvelle génération cherche à se dépêtrer de toute relation verticale avec le France, de toute dépendance culturelle ou économique.

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